Attempting
Squareness
J’ai déjà volé de l’argent à ma mère, je changeais le montant de ses chèques. Quand elle s’en est rendue compte un an et demi après sa réaction a été de me donner de l’argent. J’ai eu un fou rire. C’est arrivé plusieurs fois.
Je suis une femme avec qui on fait ce qu’on veut. L’actrice en couverture d’un magazine – page contre laquelle tu te touches me regardant les yeux fermés la main trempée d’un sperme tactile – celle qui s’offre, celle qui te donne tout ce que tu imagines.
My dad is my neighbor. I’m pretty sure he had a life, I found pictures of it - naked ladies in a closet at my parent’s house (it’s my sister’s also) - I've had those slides for two years now, maybe three. No one noticed.
Elle descend les marches de la piscine du King David, s'accroupit et fait pipi. La légende dit que lorsque l’on fait pipi dans l’eau, celle-ci change de couleur et nous suit. Elle vérifie. Rien. Encore un mensonge. Son poids disparaît alors qu’elle s’avance dans les profondeurs. Sans bouées, elle passe inaperçue. Les autres nageurs forment des groupes ou font des allers retours avec une aisance qui l’intimide. Seule, elle s’adonne à un jeu. Agrippée à l’une des échelles qu’elle accapare, elle retient sa respiration. Un, deux, trois, quatre. T’as perdu. Yeux turquoise – un bleu sans son, bleu jusqu’à la surface - son corps la regarde.
Dans sa chambre couleur nuit, Elle se filme. On dirait un hôtel, rien n’est personnalisé. Elle déballe ses courses sur la table, décrit ce qu’il y a dans chaque sac plastique. Un écran projette de ce qu’il se passe en direct.
De l’autre côté de la pièce, allongée dans mon lit, je la regarde.
Elle porte une perruque, ça lui va pas.
Elle n’est pas seule. Collées à ses miches, deux copines la suivent - je les connais, je ne peux pas me les voir - elles ont vingt ans, elles sont plus jeunes que moi.
Il était une fois une enfant solitaire qui avait découvert qu’elle possédait le don de lire dans les pensées des adultes.
Dans sa chambre,
elle mettait en scène ce qu’elle entendait.
Un seul Ken pour plusieurs Barbies.
Serge est mort. Je dois cinq cent euros au vétérinaire. Comme je n’ai pas assez, le voisin me file une partie. Il a peur que sa carte ne passe pas, au pire il a du cash, moi aussi. A nous deux ça fait le compte.
Il est là parce que je lui ai demandé. Je ne voulais pas être seule, pas attendre demain matin. Serge fonçait dans les murs, il se cachait..
Colette a vu, elle a compris.
C’est la nuit, il est tard mais on dirait plus.
I feel your presence; it’s been like this for an hour. Why am I speaking in English, you’ve let me. Shit. Attends. Je croise ton regard Noir Rond Ouvert (tu dors ? ). Lit cerné – pas d’air malgré le sixième étage – reprenant une bouffée dans ta bouche – ça gratte mes jambes au cœur de mes genoux les ongles la couette rien – je bois ma salive, nos mains collées se touchent.
J’entre.
J’ai peur.
Je ne sais pas voler.
- C’est bleu ciel partout !
L’air me gifle. Tu ris. Tu te culbutes. Quand tu voles, tu flottes. Moi ? Je hurle contre l’oreiller – un gémissement de fille (je déteste quand les hommes font ça) – tu me vois, tu rappliques.
Les draps n’ont pas été changés. Ça se sent. J’y cède avec l’inconscience que l’on peut avoir face à la saleté appartenant à l’autre. Je le rencontre instantanément. Ses mains tiennent la chair de mes hanches, pressent le vas et vient. Je frôle mon plaisir, le perd. Il me le prend. Je tente de retenir ce qui déjà n’est plus par cette question que l’on emploie, alors même qu’elle dit l’inverse : Tu es venu ?
Dans une cabine où le temps n’existe pas, deux amants ont vieillis.
Elle danse au centre de la pièce, il est assit. Ça ressemble à un appartement en moins vrai.
C’est le jour, il fait chaud, les fenêtres sont grand ouvertes - elles donnent sur un vis à vis vide. Dans l’immeuble d’en face personne ne les regarde.
Les tableaux que j’achète restent au sol, je les empile. J’envisage à quoi devrait ressembler ma chambre. Ça fait trois ans que j’habite ici, je suis partie pour revenir. Mon voisin est juif. Il vit contre le mur, celui à côté de mon lit. Avant je voulais qu’il m’entende - il pourrait avoir l’âge de mon père - je faisais plus de bruit. Quand je suis dans ma salle de bain, et lui dans sa cuisine je l’entends (ce qu’il dit, les mots précis). Il jure que de son côté ce n’est pas le cas - il est très pudique - il précise, je ne t’écoute pas quand tu chies.
Naomi. Stop bein such a pussy.
Eliott. Ça glisse ! Et arrête de faire l’anglo-saxonne, ça m’exaspère.
N. Je vois que tu renies toujours nos origines. Donne ta main.
E. Merci. Je ne comprends pas ce qu’on fout là.
N. I know it’s unreal.
E. C’est paumé, y a rien autour.
N. T’avais qu’à rester à Paris.
E. Pour que tu voles MA part du butin.
N. T’as toujours peur de manquer. Dis juste que tu voulais voir.
E. T’as les clés ?
N. Oui attends, j’arrive. J’ai dit attends deux secondes. Putain, quelle vue. Tu penses qu’on va trouver un trésor ?
Un hôtel particulier au cœur de Paris entre les bobos et les prostituées.
Une femme sans âge est appuyée contre le lavabo d’une salle de bain où les fioles et les flacons s’accumulent. Toutes sortes d’objets. Plus personne ne fait la poussière, ici.
Dans le couloir menant au rez-de-chaussée, des tableaux étouffent le mur, ils la représentent sur scène. Toute sa carrière. D’une photo à l’autre, elle est méconnaissable.
Il est midi, on est dimanche. C’est le printemps mais il fait un temps de chien.
Les phrases en italiques traduisent les pensées de Claude.
Dans la forêt de tes cauchemars.
Celle ou les branches des arbres sont vivantes, changeantes et se vexent facilement. Trois enfants sont perdus.
Y a leur chat aussi. Le chat, c’est Bob. Il est cool. Il ne fait que bouffer mais il écoute. Y avait une chienne avant ça, Suvy. Elle s’est suicidée dans la piscine. On l’a retrouvé flottant à la surface dans sa couche (elle n’était pas toute jeune). Une vraie Drama Queen.
Papa était trop fatigué pour jouer. C’est fatiguant de jouer. Il les a envoyés faire un tour, le jour est tombé d’un coup.
La nuit est bleue comme la couleur sur les murs de ta chambre.
En sortant de chez toi, j’ai marché. Mon corps était ailleurs. Les mèches encore humides plaquées contre mes joues. Ta peau hâlée, par flashs. J’ai marché comme si une voiture pouvait me rentrer dedans. J'ai développé nos photos tout de suite. Posséder au moins une trace, quitte à ne jamais pouvoir te retenir. Tu ressembles à ce que j’ai connu. Ce que je préfère. J’aimerais te présenter la femme que j’étais à vingt ans, ta peau contre la sienne, le soleil ayant tapé dessus pendant l’été. Voir si elle te plairait, changeant de couleur sous tes doigts. Ton corps n’est que matière. C’est ce que je n’avais pas deviné.
T’avais raison, ta chatte c’est la plus belle de France. T’as beau parler de sexe toute la journée, montrer ton cul en ligne. Ton clit il est renté, muré entre tes deux lèvres, tout caché, timide. Même sans poils t’es pudique. Je dois rentrer tout mon pif pour goûter ton foutre. Sentir les battements de ton cœur, te retenir si tu cries. T’es dur à v’nir d’en bas. Avec la langue. T’es pas une nana si facile. La dernière fois que je suis venu, quand je suis rentré, j’ai pas lavé mon pouce. Ça t’fait rire. Nan j’l’ai pas sucé avant de dormir. Mais t’as l’idée. J’aime ton odeur. Ca sent la sueur, et la fille. J’te trouve divine. Tu vois tout ça, j’le dis pas d’habitude.
Nan, j’ai pas de miroir chez moi. C’est drôle que t’ai remarqué. Dans la salle de bain y en a deux. Face à face. Celui de derrière, je ne le regarde jamais. C’est ma mère qui l’a fait. La mosaïque et tout. L’autre jour, je l’ai nettoyé, parce que tu venais. Il était sale depuis deux ans. L’hiver dernier j’ai refait toute la déco. Au taff, ils m’ont prise pour une ouf. J’ai posé deux semaines juste pour faire les travaux. J’ai refait toutes les pièces, sauf la salle de bain. Et la chambre de mon frère. L’autre endroit chez moi où il y a un miroir, c’est dans la chambre de mon frère… Merci. J'ai pas fumé une vraie cigarette depuis un bail…
C’est vendredi. Alors qu’on passe par le bois de Boulogne, elle glousse puis me montre un texto qu’elle envoie à sa mère. Sur son portable je lis C’est joli, les arbres et les putes, sans réagir. C’est la première fois que je rencontre sa famille.
- Ici, je connais les immeubles de l’intérieur.
Je sais qu’en disant ça, elle ne parle pas que des types qu’elle s’est tapé au lycée. Mais c’est ce que j’imagine. Je lui dis. Naomi, je l’aime mais elle est indélicate à fond. Le couple, personne ne lui a appris.
- My parents are gonna be so happy.
Cette phrase, elle me l’a sorti quand on s’est rencontrés, en boucle. Parce que j’ai fait de grandes études. Elle pense tout ce qu’elle dit, elle n’a aucun second degré. C’est son humour juif. Naomi est à moitié américaine. Quand elle passe à l’anglais c’est qu’elle est gênée.
Lui, c’est Guillaume. Après l’amour il s’écroule. Allongé sur le dos, sexe encore gonflé par nos ébats, amorphe. Je l’ai souvent pris comme ça, avec mon argentique. Cette pose il me l’a faite à Londres, à Vienne, à Monaco. Toujours à l’hôtel. La même rengaine : on boit, on baise, on dort. Mais moi, je ne suis pas fatiguée. Le plus souvent j’ai pas joui.
Deauville.
[25/04/2020 14:59:15]
Naturelle : Coucou mon chat.
Myrtille : Coucou mon petit chou. Qu’est-ce qu’on se fait chier.
N : Qu’est-ce qu’on s’emmerde. C’est légendaire ! J’te dérange ?
M : On boit du champagne avec ma sœur.
N : Avec des fraises ?
M : Evidement ! On a fait trempette dans la piscine.
N : J’ai vu la story. Trop belle. T’as mincis, nan ?
M : On fait super attention.
N : Trop bien, j’ai commandé à bouffer trois fois aujourd’hui.
M : Tu es scandaleuse !
Il a de jolies boucles, blondes vénitiennes. Elles sont courtes, rasées de près sur les côtés, dressées mais souples. Ses lèvres sont franchement roses et pulpeuses. Sa peau est élastique. Il a suffi que j’y jette un œil une fois, pour avoir la sensation de la goûter, de la manipuler de la remettre ensuite. Une peau blanche sans origines mixtes. De la chair brute. Le genre que j’appelle franco-français, goy à croquer. C’est une substance sucrée, interdite.
L’adresse elle l’avait mémorisée - 23 Keren Hayessod - I’m going to visit my grand mother. Elle devait en parler comme si c’était familier alors qu’elle ne l’avait pas vu depuis dix ans. Sa mère lui avait interdit de revenir. A dix-neuf ans pourtant, elle a eu permission de sortie, passeport pour comprendre ses origines. Elle a pris l’avion seule, le vol s’est passé normalement malgré trop de questions à l’aéroport. Son père l’avait prévenu il vont redemander les mêmes choses plusieurs fois.
Dans un Peep Show, quelque part où il ne fait ni chaud, ni froid - un dispositif où les gens payent pour s’adonner à leurs plaisirs en vitrine.
Une table est dressée au bord d’une piscine. Quatre convives dégustent divers ingrédients, plusieurs substances aussi. C’est un festin.
Les deux hommes portent un costume trois-pièces fait sur mesure, ils fument des cigarettes électroniques. Ils doivent avoir autour de trente ans. Les femmes sont en maillot de bain, kimono de plage, et talons. Elles ont le même âge, un peu moins. Leur maquillage est défait.
Au centre de la table, une petite assiette en porcelaine est remplie d’une dizaine de carrés de sucre, à côté se trouve une bassine de glaçons, quelques bouteilles de rosé, du whisky et de la salade. Beaucoup de salade.
Un projecteur éclaire le spectacle de plein fouet, il simule la lumière du jour. C’est la nuit, enfin il est cinq heures du matin. La cabine n’a pas de public.